La garantie à première demande est une solution d’apparence simple pour faciliter le recouvrement des sommes dont le cédant est garant dans le cadre d’une cession d’entreprise. Cependant une attention particulière doit être apportée à sa rédaction pour préserver toute son efficacité.

Contexte :

Dans le cadre de la cession d’une société, l’acquéreur sollicite usuellement la mise en place d’une garantie d’actif et de passif (la « GAP ») ayant pour objectif de sécuriser son investissement et de se prémunir contre des compléments de passif ou des diminutions d’actifs post-cession. 

Afin de faciliter le recouvrement des sommes prévues par cette GAP, l’acquéreur peut exiger la constitution d’une garantie à première demande (« GAPD »).

Fonctionnement :

La GAPD est une garantie autonome régie par l’article 2321 du Code civil qui prévoit :

« La garantie autonome est l’engagement par lequel le garant s’oblige, en considération d’une obligation souscrite par un tiers, à verser une somme soit à première demande, soit suivant des modalités convenues.

Le garant n’est pas tenu en cas d’abus ou de fraude manifestes du bénéficiaire ou de collusion de celui-ci avec le donneur d’ordre.

Le garant ne peut opposer aucune exception tenant à l’obligation garantie.

Sauf convention contraire, cette sûreté ne suit pas l’obligation garantie. »

Cette sûreté constitue l’engagement par lequel le garant (généralement la banque du cédant) s’oblige, en considération d’une obligation souscrite par un tiers (le cédant), à verser une somme soit dès la première demande du créancier (acquéreur), soit suivant des modalités préalablement convenues.

Le garant ne peut opposer aucune exception tirée du contrat de base (contrat de cession de la société) pour s’exonérer de son obligation de paiement, sauf en cas d’abus ou de fraude manifestes du bénéficiaire (cédant) ou d’entente illicite de celui-ci avec le donneur d’ordre.

Dans le cadre d’une garantie à première demande, le garant doit s’exécuter sans pouvoir différer le paiement, ni soulever d’objection, d’exception ou de contestation quelconque tenant au contrat de base ou à l’obligation garantie.

En d’autres termes, le bénéficiaire de la GAPD n’aura qu’à notifier au garant la mise en œuvre de sa garantie pour en obtenir le paiement.

Efficacité de la GAPD : attention à sa rédaction !

En fonction de la rédaction et des modalités d’exercice prévues par la GAPD, sa mise en œuvre peut se révéler plus ou moins efficace pour son bénéficiaire.

L’on rencontre généralement deux types de GAPD :

  • la GAPD ne nécessitant aucune explication ou justification : une simple notification au garant faite conformément aux modalités prévues par la GAPD suffit à déclencher la garantie et permet à son bénéficiaire de percevoir les sommes réclamées ;
  • la GAPD nécessitant une justification/explication et/ou la production de documents justifiant la mise en œuvre de la garantie. Cela est notamment le cas lorsque le bénéficiaire doit indiquer les raisons du déclenchement de la garantie (ex. violation de l’article X de la convention de cession afférente à l’absence de créances impayées) et fournir à cette fin des documents pour en justifier (ex. production d’une facture impayée antérieure à la cession).

Risques de requalification en un autre type de garantie

Parfois, les GAPD n’ont de garantie à première demande que le nom. Si la garantie en cause lie l’exécution de la garantie au contrat principal (contrat de cession), elle peut-être requalifiée en cautionnement :

« L’arrêt retient qu’aux termes de l’acte litigieux, intitulé « garantie autonome », M. X… a déclaré être tenu à première demande écrite du bailleur au paiement immédiat de toutes sommes dues et/ou restant dues au bailleur, aux termes du contrat de crédit-bail, de sorte qu’il s’agit nécessairement d’une garantie autonome ;

Attendu qu’en statuant ainsi, alors qu’il était stipulé que M. X… garantissait à la société Cegebail « le paiement des sommes dues ou restant dues par la société Copia au titre du contrat de crédit-bail », ce dont il résultait qu’en dépit de l’intitulé de l’acte et de la mention de paiement à première demande, l’engagement litigieux avait pour objet la propre dette du débiteur principal et n’était donc pas autonome, la cour d’appel a violé le texte précité ».

(Cass.com., 14 juin 2000, 97-12.692)

« C’est en raison de la défaillance de la société Bordeaux qu’elle a poursuivi en paiement M. [A], ce qui révèle un lien entre la dette de la débitrice principale et l’engagement du garant incompatible avec le caractère autonome de la garantie à première demande.

Dès lors que l’engagement implique une appréciation des modalités d’exécution du contrat de base pour l’évaluation des montants garantis, il ne peut être qualifié de garantie autonome.

(…) S’il subsiste un doute sur le caractère autonome ou accessoire de l’engagement, c’est la qualification la moins sévère, celle de cautionnement, qui doit prévaloir, il apparaît que le premier juge a exactement retenu qu’en dépit de l’intitulé de l’acte, de la mention de paiement à première demande et de l’impossibilité pour M. [A] de faire valoir la moindre exception, l’engagement de ce dernier avait pour objet la propre dette de la débitrice principale et n’était donc pas autonome. En l’absence d’autonomie, le premier juge a justement retenu que l’acte du 7 septembre 2015 devait être requalifié en cautionnement ».

(CA Orléans, 25 février 2021, 19/01274)

« L’engagement faisait référence à l’obligation de paiement contracté par la société Isolance 44 dans le cadre de relations commerciales récurrentes, tout en précisant que cette référence était rappelée à titre d’information du garant et non à titre de référence pour l’exécution des obligations souscrites.

Le contrat portait cependant sur la somme précise de 19.047,72 euros. Or, la société Isolance 44 a payé à la société Trouillard les sommes de 10.000 euros le 5 novembre 2015 et de 9.047,72 euros le 18 décembre 2015.

Il apparaît ainsi que le contrat avait pour objet une dette identifiable du débiteur principal à laquelle il était connecté. Il en résulte que ce contrat ne peut être qualifié de garantie autonome mais constitue un cautionnement ».

(CA Rennes, 8 juin 2021, 18/04488)

La requalification en cautionnement rend beaucoup plus contraignant le recouvrement des sommes garanties car il dépendra d’une appréciation des modalités d’exécution du contrat de base pour l’évaluation des montants garantis.

Ainsi, afin de lui conserver sa qualité de garantie autonome, la mise en place d’une GAPD doit être soigneusement préparée par les rédacteurs de l’acte.