PROPRIÉTÉ DES ACTIFS DE L’ENTREPRISE : LE PACTE D’ASSOCIÉS UN MAUVAIS CHOIX POUR TRANSMETTRE LES DROITS D’AUTEUR.

6 Mai 2022

Les associés peuvent contribuer personnellement à la création des actifs immatériels de l’entreprise. Cette création peut leur conférer la qualité de titulaire des droits d’auteur sur ces actifs. La formalisation du transfert des droits à l’entreprise est souvent limitée à une simple clause Propriété intellectuelle insérée dans le Pacte d’associés. Toutefois, ces clauses peuvent s’avérer insuffisantes pour garantir la propriété effective de l’entreprise.

En cas d’entrée d’un nouvel investisseur ou de litige, la question de la titularité des droits d’auteur sur les actifs immatériels de l’entreprise, vient fréquemment à se poser.

L’incertitude sur la propriété des droits peut constituer un risque pour l’entreprise et affecter sa valorisation et sa capacité à maitriser les actifs nécessaires à son exploitation.

  1. Par principe, les droits appartiennent au créateur de l’œuvre

Au sein des entreprises innovantes et plus particulièrement des start-up, l’exploitation des créations protégées est d’autant plus stratégique que leur modèle économique est très souvent basé sur l’exploitation de ces créations.

Il n’est pas rare que les associés de ces entreprises soient les créateurs d’œuvres protégées par le droit d’auteur (logiciels, logo, site internet…) indispensables au développement de la société.

En principe, le titulaire des droits sur une œuvre de l’esprit est le créateur de cette œuvre, qui sera plus souvent une personne physique. Les droits d’auteur ne sont transférés à la société qu’en cas de cession en bonne et due forme ou d’œuvre collective (art. L. 113-2 al. 3 du Code de la propriété intellectuelle – CPI.).

Les droits sur les œuvres créées par un associé ne sont donc pas automatiquement transmis à la société qui les exploite.

  • L’exploitation des créations de l’associé : les risques à anticiper

La société bénéficie d’une présomption de titularité sur les œuvres qu’elle exploite sous son nom (Cass. Civ. 1ère, 24 mars 1993, 91-16.543 : Aero). Toutefois, il s’agit seulement d’une présomption simple. L’associé pourra ainsi démontrer par tous moyens qu’il est le véritable titulaire des droits sur l’œuvre.

Or, ces actifs peuvent être particulièrement vitaux pour une entreprise car ils contribuent à sa valorisation et à la réalisation de son chiffre d’affaires.

La remise en cause de sa titularité peut ainsi gravement affecter la société.

En cas de litige avec l’associé créateur, toute autorisation d’exploiter qui ne constitue pas une cession de droits risque d’être requalifiée en une licence à durée indéterminée. Cette licence est révocable à tout moment, à condition de respecter un préavis raisonnable (TGI Paris, Ordonnance de référé du 10 avril 2002, Société TT Car Transit France / José ; CA PARIS 20/11/2020 n°18/20759).

A l’expiration du préavis, l’associé créateur pourrait ainsi exiger la cessation de toute exploitation de l’œuvre litigieuse par l’entreprise.

  • La limite des clauses de cession dans le pacte d’associés

La société peut se croire légitimement investie des droits sur l’œuvre en vertu d’une clause relative à la propriété intellectuelle contenue dans le pacte d’associés ou d’actionnaires.

Toutefois, ces clauses sont la source d’une insécurité juridique car ne répondant pas le plus souvent au formalisme (mentions obligatoires) qui encadre les cessions de droit d’auteur.

Une réforme en est intervenue en 2016 qui est venue restreindre plus encore les effets des clauses des pactes d’associés sur la cession des droits d’auteur.

  • Les pactes antérieurs à 2016 – Une transmission incertaine

Avant la loi du 7 juillet 2016, la nécessité d’un écrit posée à l’article L131-2 du CPI (condition de preuve de la cession) ne s’appliquait qu’à certains contrats d’exploitation : contrats de représentation, d’édition et de production audiovisuelle, autorisations gratuites d’exécution.

Pour les autres contrats, la preuve de la cession pouvait se faire selon les règles de droit commun (écrit, commencement de preuve par écrits, témoignage).

Quant au contenu du contrat, si l’article L131-3 du CPI exige à titre de validité du contrat la mention de l’étendue des droits cédés, de la destination et de la durée de la cession, la Cour de cassation a limité le champ de cette disposition en estimant que le formalisme qu’elle impose ne visait que les contrats de représentation, d’édition, de production audiovisuelle et les autorisations gratuites d’exécution (Civ. 1ère, 21 nov. 2006, pourvoi n° 05-19.294).

En l’absence de formalisme imposé, il était donc possible d’utiliser une clause générale sur la propriété intellectuelle du pacte d’associés pour démontrer l’existence d’une transmission des droits à la société et faire échec à la revendication d’un associé.

Cette position a été confirmée dans un arrêt récent de la Cour d’appel de Paris s’agissant d’une clause par laquelle l’associé renonçait à toute revendication de ses droits au profit de la société sans énumération précise des droits cédés (CA Paris, pôle 5 – ch. 2, 26 févr. 2021, n° 19/15130).

  • Les pactes postérieurs à 2016 – Un formalisme impossible

Depuis la loi de 2016, l’article 131-2 al. 2 du CPI dispose désormais que « les contrats par lesquels sont transmis des droits d’auteur doivent être constatés par écrit ».

Désormais la cession de droits d’auteur portant sur une création de l’associé au profit de la société doit être formalisée par écrit.

Cet écrit doit faire figurer les mentions obligatoires de l’article L131-3 du CPI à peine de nullité.

En cas de manquement à ce formalisme, les droits restent attachés à l’associé-créateur et la société ne pourra bénéficier que d’un droit d’exploitation précaire sous forme d’une licence.

Une cession générale telle qu’elle figure habituellement dans les pactes d’associés est désormais trop imprécise pour permettre la transmission effective des droits d’auteurs de l’associé.

Il convient donc de se méfier des clauses « Propriété intellectuelle » dans les pactes d’associés.

Afin de protéger efficacement ses actifs immatériels et s’assurer une jouissance paisible des droits d’exploitation d’œuvres créées par un associé, il est préférable de régulariser une cession écrite en bonne et due forme, de préférence dans un document séparé du pacte d’associés. Cet écrit permettra d’identifier avec précision les œuvres et l’étendue des droits cédés.

Ce formalisme rigoureux sera de nature à rassurer les éventuels investisseurs et permettra de prévenir tout trouble en cas de litige avec un associé.