Droit à l’information et parfois droit d’alerte, l’associé minoritaire n’est pas sans ressources pour voter de façon éclairée lors des assemblées générales ou prendre connaissance de la situation de la société.

Quelle est l’étendue de ce droit d’information ? Quels documents peuvent être obtenus ?

L’associé minoritaire d’une société commerciale dispose de droits, attachés à ses actions ou parts sociales.

Si le plus connu d’entre eux est celui de percevoir des dividendes, le droit à l’information n’est pas à négliger pour autant.

Ce droit permet à l’associé minoritaire de recevoir, de tout temps ou préalablement à la réunion d’une assemblée générale, des informations sur la gestion de la société. Mais il lui offre également la possibilité de poser des questions écrites aux dirigeants sur des points intéressant directement la gestion de la société.

Nous avons regroupé ci-dessous l’ensemble des informations dues aux associés minoritaires, selon la forme de société. Le droit d’information inclut également le droit de communication.

  1. Dans les sociétés à responsabilité limitée (SARL)
  1. Au moins quinze jours avant l’assemblée générale annuelle, la gérance doit communiquer à tout associé minoritaire, avec la convocation :
    • Le rapport de gestion ;
    • L’inventaire et les comptes annuels ;
    • Le texte des résolutions proposées au vote ;
    • D’autres documents selon les circonstances : rapport du commissaire aux comptes (CAC) s’il en existe un, les comptes annuels consolidés si la société est soumise à l’obligation de les établir, le détail d’éventuelles charges et dépenses « somptuaires ».

Le défaut de communication dans le délai prévu peut entraîner la nullité de l’assemblée.

L’associé minoritaire peut aussi personnellement consulter ces documents au siège social de la société dans ce délai de 15 jours, ce qui inclut le droit d’en prendre copie.

Le fait de ne pas tenir les documents à la disposition de l’associé minoritaire au siège social n’est pas sanctionné par la nullité de l’assemblée. En revanche, l’associé minoritaire peut demander au président du tribunal compétent, statuant en référé, d’enjoindre sous astreinte au gérant de communiquer les documents ou de nommer un mandataire ad hoc qui s’en chargera à sa place.

En sus, l’associé minoritaire dispose du droit de poser par écrit autant de questions qu’il le souhaite à la gérance, préalablement à l’assemblée générale. La gérance est impérativement tenue de répondre lors de l’assemblée générale, sous réserve que ces questions soient en lien avec l’ordre du jour. Le défaut de réponse du gérant est susceptible d’entraîner la nullité de l’assemblée.

Ce droit ne peut être minoré ou supprimé par une clause des statuts, qui serait réputée non écrite.

  1. A toute époque, l’associé minoritaire dispose de plusieurs droits de nature à assurer sa parfaite information.

Il peut tout d’abord consulter au siège social les comptes annuels, les inventaires, les rapports soumis aux assemblées et les procès-verbaux des assemblées, relatifs aux trois derniers exercices. Ce droit de consultation implique le droit de prendre copie des documents. Il ne peut être exercé que par l’associé minoritaire lui-même, qui ne peut se faire représenter par une autre personne, même avocat. L’associé minoritaire peut toutefois se faire assister par un expert.

Il peut également obtenir au siège social la délivrance d’une copie certifiée conforme des statuts en vigueur au jour de la demande.

Enfin, lorsque la situation de la société le commande, l’associé minoritaire non-gérant peut, deux fois par exercice, poser des questions écrites à la gérance sur tout fait de nature à compromettre la continuité de l’exploitation. Il s’agit du droit d’alerte, que l’on peut exercer par exemple avant de demander une expertise de gestion.

Le gérant doit répondre dans le délai d’un mois et adresser une copie de la question et de sa réponse au CAC si la société en dispose.

  • Dans les sociétés anonymes (SA)

Le droit d’information et de communication offert aux actionnaires de SA s’applique également aux actionnaires de société en commandite par actions (SCA).

  1. Quinze jours au moins avant l’assemblée générale annuelle, l’actionnaire peut obtenir communication de certains documents, à sa demande.

Certains de ces documents varient selon la situation de la société :

  • Si la société ne dispose pas d’un Commissaire aux comptes (CAC) : le rapport du président du conseil d’administration ou du directoire sur les conventions réglementées.
  • Si la société dispose d’un CAC chargé d’un audit « petites entreprises » : le rapport du CAC sur les comptes annuels et le rapport spécial du président du conseil d’administration ou du directoire sur les conventions réglementées.
  • Si la société dispose d’un CAC chargé d’un audit légal : les rapports du CAC sur les comptes annuels et les conventions réglementées, le rapport spécial du CAC sur le rapport du conseil d’administration ou du directoire sur le gouvernement d’entreprise.
  • Si la société est tenue d’établir et de publier des comptes consolidés : les comptes consolidés doivent être communiqués à l’associé minoritaire en plus des comptes annuels de la société (v. ci-dessous) ;
  • Si la société emploie au moins 300 salariés : le bilan social accompagné de l’avis du comité social et économique.

Les autres documents à envoyer à l’actionnaire, indépendamment de la situation de la société, sont les suivants :

  1. L’ordre du jour de l’assemblée ;
  2. Les comptes annuels et le tableau des affectations du résultat ;
  3. Le rapport de gestion ;
  4. Le rapport sur le gouvernement d’entreprise (sauf s’il est inclus dans le rapport de gestion) ;
  5. Le tableau des résultats de la société au cours des cinq derniers exercices ou, si la société est constituée depuis moins de cinq ans, les résultats réalisés depuis la constitution de la société ;
  6. Un exposé sommaire de la situation de la société au cours de l’exercice ;
  7. Le texte des projets de résolutions proposés par le conseil d’administration ou le directoire, ainsi que les éventuels projets de résolutions proposés par les actionnaires et la liste des points ajoutés à l’ordre du jour à leur demande ;
  8. Une formule de procuration ;
  9. Un formulaire de vote à distance ;
  10. Une formule permettant à l’associé minoritaire de demander l’envoi des documents et renseignements listés aux articles R.225-81 et R.225-83 du Code de commerce à l’occasion d’assemblées ultérieures ;
  11. L’identité des administrateurs et directeurs ou des membres du conseil de surveillance et du directoire ainsi que, le cas échéant, l’identité des société dans lesquelles ces personnes exercent des fonctions d’administration, de gestion ou de surveillance.

L’actionnaire dispose également d’un droit de consultation, à compter du jour de la convocation et au moins quinze jours avant la date de l’assemblée générale annuelle :

  • Les documents listés aux b), c), d), e), g) ci-dessus ;
  • Les comptes consolidés et le rapport de gestion du groupe, le cas échéant ;
  • Tout autre rapport préparé par le conseil d’administration, le directoire ou le conseil de surveillance, qui serait présenté au cours de l’assemblée ;
  • Les rapports du/des CAC, le cas échéant (v. ci-dessus) ;
  • L’identité des administrateurs, directeurs généraux ou membres du conseil de surveillance ou du directoire, ainsi que l’identification des autres sociétés dans lesquelles ces personnes exercent des fonctions de gestion, administration ou surveillance ;
  • Le montant global, certifié exact par un CAC (si la société en dispose), des rémunérations perçues par les cinq ou dix personnes les mieux rémunérées ;
  • Le montant global, certifié exact par un CAC (si la société en dispose) chargé de l’audit des comptes (hors audit « petites entreprises »), des versements effectués en application de l’article 238 bis du Code général des impôts (mécénat d’entreprise) qui donnent lieu à une réduction d’impôt, ainsi que la liste nominative des actions de parrainage et de mécénat réalisées par l’entreprise ;
  • La liste des actionnaires ;
  • Le dernier bilan social accompagné de l’avis du CSE (si la société emploie plus de 300 salariés).

Ce droit peut être exercé soit par l’actionnaire lui-même, soit par le mandataire qu’il a nommément désigné pour le représenter lors de l’assemblée générale.

La consultation se fait au siège social de la société ou au lieu de la direction administrative, l’envoi de ces documents n’étant pas permis par la loi.

L’actionnaire ou son mandataire (avocat…) peuvent prendre copie des documents et se faire assister d’un expert inscrit sur une liste établie par les cours et tribunaux, ou par un huissier qui dressera un procès-verbal de constat.

Le fait de ne pas mettre à disposition de l’actionnaire les documents visés ci-dessus est susceptible d’entraîner la nullité de l’assemblée.

L’actionnaire dispose, comme l’associé minoritaire de SARL, de la possibilité d’engager une procédure d’injonction à l’encontre du dirigeant négligent, qui ne lui aurait pas communiqué les documents demandés dans le délai de quinze jours. Cette procédure doit être impérativement engagée dans le délai de quinze jours précédant l’assemblée.

  1. A toute époque, les actionnaires peuvent demander à consulter un ensemble de documents afférents aux trois derniers exercices sociaux :
    • Les comptes annuels et les comptes consolidés lorsque la société est soumise à l’obligation de les établir ;
    • La liste des administrateurs ou des membres du directoire et du conseil de surveillance ;
    • Les rapports du conseil d’administration ou du directoire et du conseil de surveillance ;
    • Les rapports du/des CAC ;
    • Le texte et l’exposé des motifs des résolutions proposées ;
    • Les renseignements concernant les candidats au conseil d’administration ou au conseil de surveillance et au directoire le cas échéant ;
    • Les procès-verbaux des assemblées ;
    • Les feuilles de présence à ces assemblées ;
    • Les bilans sociaux, le cas échéant ;
    • Le montant global, certifié exact par un CAC (si la société en dispose), des rémunérations perçues par les cinq ou dix personnes les mieux rémunérées ;
    • Le montant global, certifié exact par un CAC (si la société en dispose) chargé de l’audit des comptes (hors audit « petites entreprises »), des versements effectués en application de l’article 238 bis du Code général des impôts (mécénat d’entreprise) qui donnent lieu à une réduction d’impôt, ainsi que la liste nominative des actions de parrainage et de mécénat réalisées par l’entreprise.

Tout comme le droit de communication préalable aux assemblées générales annuelles, l’actionnaire dispose de la possibilité de se faire représenter par un mandataire pour l’exercice de son droit, même extérieur à la société.

L’actionnaire ou son mandataire peuvent se faire accompagner par un expert inscrit sur les listes établies par les cours et les tribunaux et prendre copie des documents mis à leur disposition.

Cependant, le non-respect de ce droit n’entraîne pas la nullité d’une assemblée ultérieure, l’actionnaire ne disposant que du droit d’enjoindre le dirigeant à lui mettre les documents en question à disposition. L’actionnaire peut également demander l’octroi de dommages et intérêts en réparation du préjudice qui lui aura été causé.

Enfin, le droit d’alerte est également prévu dans les SA, mais soumis à une condition de seuil de détention du capital social. Seuls un ou plusieurs actionnaires, détenant seuls ou ensemble 5% du capital, peuvent poser des questions au président du conseil d’administration ou au directoire, sur tout fait de nature à compromettre la continuité de l’exploitation.

Le destinataire de la question doit adresser sa réponse à l’actionnaire/aux actionnaires concerné(s) dans un délai d’un mois. Comme dans les SARL, le CAC, s’il en a été désigné, doit obtenir copie de la question et de la réponse.

  • Dans les sociétés par actions simplifiées (SAS)

Dans les SAS, le droit d’information des actionnaires n’est pas prévu par la loi. Dans ce type de sociétés, les statuts fixent les délais ainsi que les documents dont l’actionnaire doit obtenir communication préalablement à une assemblée générale ou de tout temps.

Les statuts confèreront ou non à l’actionnaire un droit de poser des questions écrites aux dirigeants de la société.

Cependant, même si la liberté statutaire est de mise, la Cour d’appel de Limoges a eu l’occasion d’affirmer dans un arrêt du 28 mars 2012, que :

« Le droit d’information des associés est un principe général du droit des sociétés qui impose de donner connaissance aux associés des sujets sur lesquels ils seront amenés à voter des résolution lors de la réunion de l’assemblée de telle sorte qu’ils soient en mesure d’apprécier la portée de leur vote et d’exprimer un choix éclairé de leur part ».

Il ne suffit donc pas, comme il est de mise dans certains statuts de SAS, de prévoir que les documents communiqués aux actionnaires seront ceux « prévus par les dispositions législatives et réglementaires en vigueur », qui sont en réalité muettes.

Une réflexion de fond doit être menée en amont, lors de la rédaction des statuts, conduisant à poser une liste de documents essentiels à la compréhension de l’actionnaire (comptes annuels, rapport de gestion, texte des résolutions, par exemple), d’ouvrir cette liste en mentionnant « tous documents rendus nécessaires par la nature des résolutions portées à l’ordre du jour » et de circonscrire cette communication dans un certain délai.

Le droit à l’information de l’actionnaire doit ainsi être rendu effectif, non seulement sur le papier mais dans les faits, par la transmission de ces documents en temps et en heure.

L’actionnaire dispose également et de tout temps, d’un droit d’alerte, dans les mêmes conditions que l’actionnaire de SA.

Notes :

  • Code de commerce :
    • articles L.223-26, L.223-36 et R.223-14 à R.223-20, L.238-1 (SARL) ;
    • articles L.225-115 à L.225-117, L.225-232, R.225-81 à R.225-83, R.225-89 à R.225-92 et L.238-1 (SA) ;
    • articles L.225-232 et L.227-9 (SAS).
  • Jurisprudence : CA Limoges, 28 mars 2012, 10/00576 (SAS).