Un contrat de prestations de services n’emporte pas automatiquement la cession des droits de propriété intellectuelle au profit de l’entreprise commanditaire. En l’absence de cession de droits formalisée, l’exploitation d’une œuvre commandée à un prestataire externe peut se révéler précaire.

Quand une société ne dispose pas d’une compétence, elle est souvent amenée à faire appel à des prestataires externes. Pour de nombreuses sociétés en développement, il s’agit même d’un passage obligatoire.

Lorsque ces prestations portent sur des créations protégées (logiciel, logos, livret d’entreprise, site internet…) la question de leur titularité vient souvent à se poser et constitue une importante source de contentieux entre les entreprises et leurs prestataires-créateurs.

  • Les droits d’auteur non cédés appartiennent toujours au prestataire

Votre entreprise commande un logo pour son activité à un designer. Vous payez la prestation sur simple facture ne comportant que le prix et le motif de la commande. Vous déposez le logo à titre de marque.

Une fois la marque déposée, le designer vient en contester la validité, au motif que celle-ci porterait atteinte à l’existence de ses droits d’auteur antérieurs sur votre logo.

Vous apprenez par la même que vous n’êtes pas titulaire des droits d’auteur sur cette création.

Est-ce vrai ? Pourquoi ?

L’article L111-1 du Code de la propriété intellectuelle (CPI) dispose que :

« L’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous (…)

L’existence ou la conclusion d’un contrat de louage d’ouvrage ou de service par l’auteur d’une œuvre de l’esprit n’emporte pas dérogation à la jouissance du droit reconnu par le premier alinéa, sous réserve des exceptions prévues par le présent code »

Au sens de cette disposition, l’œuvre appartient dès son origine à son auteur (Civ. 1ère, 3 juill. 1996). L’alinéa 3 de cette disposition vient renforcer la règle : la rémunération qui est versée au prestataire n’emporte pas nécessairement la cession des droits attachés aux œuvres qu’il crée (Civ. 1ère, 3 avr. 2007).

Le prestataire peut donc s’opposer à l’utilisation de ses œuvres et engager des poursuites contre la société pour contrefaçon de ses créations lorsque celles-ci sont utilisées sans son accord ou en dehors du cadre prévu par les parties.

Seule l’insertion d’une clause de cession des droits de propriété intellectuelle sur l’œuvre créée par le prestataire permet de se prémunir de tels risques.

  • Obtenir les droits par écrit pour une exploitation pérenne

Comme pour les associés et les salariés, la cession des droits doit être formalisée par un écrit qui respecte certaines conditions prévues par le CPI.

  • Le contrat doit être constaté par écrit (article L131-2 CPI ) A noter que jusqu’en 2016, l’existence d’un écrit n’était pas obligatoire.
  • Pour être opposable à l’auteur, la clause de cession de droits doit intégrer des mentions obligatoires et indiquer :
  • chacun des droits cédés ;
  • la délimitation du domaine d’exploitation quant à son étendue et à sa destination ;
  • la durée et les territoires pour lesquels la cession est réalisée ;

L’article L122-7 du CPI dispose quant à lui que la cession est limitée aux seuls modes d’exploitation prévus au contrat. (Civ. 1ère, 15 févr. 2005, n° 01-16.297 P).

Tout droit qui n’est pas expressément cédé au titre du contrat est donc réputé demeurer entre les mains de l’auteur. Tel est le cas dans notre exemple du logo, s’il n’est pas expressément prévu que l’œuvre puisse faire l’objet d’une exploitation en tant que marque, l’auteur pourrait s’opposer au dépôt.

Dans de rares cas, la jurisprudence a néanmoins validé des mécanismes de licence implicite en admettant un droit d’exploitation au bénéfice de l’exploitant d’une création sans qu’une cession répondant aux règles précitées ait été formalisée.

Un tel mécanisme a par exemple été admis dans une affaire où un photographe contestait la reproduction de ses créations par une société à laquelle il avait confié la commercialisation desdites créations. La Cour de cassation a estimé que le mandat de commercialisation donné par l’auteur emportait une autorisation de reproduire les clichés pour les besoins de ladite commercialisation (Cass. civ. 1ère, 30 mai 2012, n° 10-17.780). De même, il a été admis qu’une commande de logiciel puisse emporter une licence tacite d’exploitation (TGI Paris, 10 avril 2002, 02/50397).

Cependant, ces solutions sont exceptionnelles et n’offrent pas de garantie de jouissance paisible de l’œuvre commandée et payée par l’entreprise :

Ainsi, même si les tribunaux reconnaissent l’existence d’une licence d’exploitation implicite, celle-ci peut être requalifiée en contrat à durée indéterminée. Un tel contrat peut être résilié par l’auteur à tout moment (avec un préavis toutefois), ce qui place la société dans une situation de précarité.

Lorsque vous avez recours aux services de prestataires externes, assurez-vous que votre contrat de prestation comporte bien une clause de cession de droits reprenant le formalisme requis.

HA – FRL